Femmes solidaires est un mouvement féministe, laïque et d’éducation populaire avec un réseau de 190 associations en France.
Le mouvement Femmes solidaires a appris avec horreur et émotion l’assassinat de Samuel Paty, enseignant d’histoire géographie, décapité par un fanatique religieux pour avoir fait son métier avec sens et responsabilité.
Il n’y a pas de mots assez forts pour exprimer notre douleur et notre colère en ce moment terrible de notre histoire nationale. Nos premières pensées vont à sa famille, ses proches, ses collègues et toute la communauté éducative.
Notre mouvement est reconnu mouvement d’éducation populaire et bénéficie d’un agrément auprès de l’Education nationale. À ce titre, nous intervenons dans les collèges et les lycées sur plusieurs champs dont évidemment l’éducation non sexiste et non violente, mais également sur la laïcité et la liberté d’expression, piliers des droits des femmes.
Notre association n’a cessé d’alerter depuis dix ans, et particulièrement depuis les attentats de janvier 2015, sur la détérioration des conditions d’enseignement et la difficulté de transférer des connaissances dans une société où le fait religieux envahit toujours plus l’espace éducatif, l’école bien sûr mais aussi les centres sociaux ou les accueils sportifs et de loisirs. Nous constatons, semaine après semaine, année après année, la montée d’un discours de radicalisation religieuse s’opposant notamment à la liberté d’expression et au droit à disposer de son corps.
Les professeur.e.s d’histoire demeurent les plus exposé.e.s, notamment à un antisémitisme latent qui va jusqu’à les empêcher d’enseigner dans la sérénité la Shoah mais plus largement la Seconde Guerre mondiale et l’histoire contemporaine. Nous constatons à chacune de nos interventions que le sexisme, l’antisémitisme et l’homophobie n’ont pas disparu des salles de classe.
Les propos violents entendus dans les classes n’entraînent heureusement pas systématiquement des passages à l’acte. Toutefois, en les laissant s’exprimer comme une opinion qui en vaut une autre, ils légitiment les violences les plus fanatiques, qu’ils soient dans des démarches isolées ou dans des organisations qui agissent de façon coordonnée. Nous avons toutes et tous une responsabilité à ne pas laisser passer le moindre propos ou acte discriminatoire. Les enseignant.e.s ne peuvent pas porter seul.e.s cette responsabilité.
Les dessins de presse, les caricatures, l’enseignement de la Shoah, l’histoire des droits des femmes dont celui de l’avortement, la liberté d’expression, la laïcité et le droit au blasphème font partie de notre histoire et du corpus législatif français. Nous devons les défendre quelles que soient nos opinions philosophiques, politiques ou religieuses. Ils représentent un espace de liberté précieux, celui de la liberté de conscience et d’égalité entre les citoyen.ne.s.
La loi française nous garantit de croire ou ne pas croire, voire de ne plus croire. Elle nous garantit même le droit de se moquer des puissants sans risquer la Bastille, ou des religions sans risquer la peine de mort pour apostasie. Indépendamment de nos croyances, les lois divines ne peuvent jamais se mettre au-dessus des lois républicaines. La laïcité représente cet acquis extraordinaire de l’égalité entre les citoyen.ne.s, indépendamment de leurs opinions religieuses. Elle est profondément, dans son essence, antiraciste.
Nous restons pleinement mobilisées sur les fronts de l’éducation et de la non violence. Nous attendons une réponse politique forte, un plan national pour la laïcité et la liberté de pensée à l’école mais au-delà dans toutes les composantes de notre société.
17 octobre 2020