Spécial 8 mars 2024
Le plaintomètre, nouvel outil pour mesurer le dépôt de plainte
80% des plaintes pour violences faites aux femmes sont classées sans suite. Parmi les victimes de féminicides, 17% d’entre elles avaient porté plainte. L’accueil et la prise de la plainte par les forces de l’ordre sont des étapes déterminantes et le point de départ dans la reconnaissance des faits de violences. Si la plainte est “mal prise” et/ou incomprise, il y a de fortes chances qu’elle soit classée sans suite. Le plaintomètre est un outil d’auto-évaluation pour mesurer si le dépôt de plainte se fait de la bonne manière, dans le respect de la loi.
Le plaintomètre, un outil pédagogique complémentaire
Nombreuses sont les victimes qui n’osent pas franchir le cap du dépôt de plainte. Peur de ne pas être crue, de ne pas être entendue, que la situation se retourne contre elle, stigmatisation, honte, … les raisons sont multiples. Même si aujourd’hui la prise de plainte peut s’effectuer “hors les murs”, dans un hôpital par exemple, ce n’est pas toujours le cas. Le commissariat ou la gendarmerie restent souvent un passage nécessaire.
Or, l’accueil pour le dépôt d’une plainte est très inégal sur le territoire français : “Dans certains lieux, la prise de plainte se passe bien. Pourquoi cela n’est-il pas le cas partout ? Le plaintomètre permet de se préparer différemment et d’être mieux accompagné.e grâce notamment à des rappels de la loi trop souvent méconnue. C’est un outil d’informations dont l’objectif est de le diffuser partout !” explique Sabine Salmon, présidente nationale de Femmes solidaires.
Le plaintomètre est un dispositif pour faire bouger les choses localement afin de sensibiliser le plus grand nombre. C’est un outil d’auto-évaluation pour franchir le pas, mesurer les conditions d’accueil et d’écoute, connaître ses droits ou encore les phases de l’enquête. Le recto est présenté sous forme de graduation pour évaluer le traitement d’une plainte et permet à la victime, selon la couleur, d’indiquer le respect des conditions du dépôt de plainte et de l’enquête. Le verso comporte des rappels de textes et principes applicables aux droits des victimes et des enfants durant l’enquête. Ce dispositif est à destination des femmes et des hommes qui ont déjà déposé plainte ou qui souhaitent le faire.
C’est aussi un outil de sensibilisation et d’information qui pourra aider les professionnel.les ou les associations à mieux assister la victime dès le dépôt de plainte et pendant le déroulé de l’enquête. Aujourd’hui, le rôle des accompagnant.es est très important de la procédure du dépôt de plainte à la poursuite de l’enquête. Très peu de personnes souhaitant déposer plainte savent qu’elles peuvent être accompagnées tout du long.
“Il ne s’agit pas d’accabler les forces de police ou gendarmerie mais de rendre la plainte plus efficiente à travers cet outil pour avancer dans l’écoute et la recherche des éléments de l’enquête. La première déclaration, donc la plainte, doit être particulièrement soignée et être un moment d’écoute intense et de compréhension pour orienter les suites de l’enquête. La principale utilité du plaintomètre est de passer le pas et de savoir comment ça se passe et comment ça devrait se passer. L’idée est de déposer plainte pour donner suite.” explique Anne Jonquet, avocate honoraire.
Le plaintomètre a été réalisé par Femmes solidaires avec des expert.es du terrain : avocates, sociologues, militantes et bénévoles formées qui animent la permanence d’accueil au sein de l’association. Il est disponible chez Femmes solidaires et ses associations locales dans toute la France à partir du 21 février.
D’une étude du terrain à un outil nécessaire
En novembre 2021, Femmes solidaires a publié un rapport “Accueil des femmes victimes de violences sexistes, sexuelles et conjugales par la police ou la gendarmerie : l’expérience des Femmes solidaires”. Ce rapport a été établi à partir de retours de terrains des associations locales Femmes solidaires. Il est le reflet d’expériences concrètes et de la réalité concernant l’accueil des femmes victimes de violences dans les commissariats et les gendarmeries.
“Ce rapport met en lumière ce qui fonctionne, pointe les manques, les difficultés et fait un rappel du cadre juridique. Le plaintomètre répond à un besoin concret remonté par nos bénévoles sur le terrain. Nous espérons qu’il aidera des nombreuses victimes dans leur démarche du dépôt de plainte”, conclut Sabine Salmon.